Pénuries de médicaments : un défi complexe à multiples facettes
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Les tensions d'approvisionnement en médicaments sont devenues un enjeu majeur de santé publique. Les chiffres sont parlant : en 2024, près de 4 000 signalements de tensions ou risques de tensions ont été enregistrés. Ce phénomène touche principalement les médicaments cardiovasculaires, neurologiques et anti-infectieux.
Le 8 mars, une table ronde, modérée par Laurent Lefort du Moniteur des Pharmacies a réuni plusieurs intervenants : Céline Kauv (directrice des affaires pharmaceutiques au Leem), Sébastien Michel (membre du conseil d’administration de Gemme), Guillaume Racle (pharmacien à Épernay – USPO), Jean-Pierre Thierry (conseiller médical – France Assos Santé), Pierre-Olivier Farenq (directeur du centre d’appui aux situations d’urgence – ANSM), et Magali Charpin (directrice générale déléguée et pharmacien responsable – FM France).
Ensemble, ils ont exploré une question sensible : à qui profitent les pénuries de médicaments ?
La complexité de la chaîne d'approvisionnement est au cœur du problème. Comme l'explique Pierre-Olivier Farenq, identifier la source exacte des ruptures est crucial pour mettre en place des mesures de gestion efficaces. Les micro-ruptures, ces variations quotidiennes de disponibilité, aggravent la situation. Guillaume Racle souligne que ces micro-ruptures sont d’autant plus problématiques qu’elles varient selon les territoires, les rendant parfois invisibles pour les autorités.
La transparence et la confiance entre les acteurs apparaissent comme des solutions potentielles. Magali Charpin, représentant les dépositaires lors de cette table ronde, regrette que ces intermédiaires essentiels soient souvent exclus des discussions, alors qu’ils sont en mesure de détecter très tôt les signes de rupture. Une charte d'engagement entre les acteurs de la chaîne a été signée afin de renforcer cette coordination.
Les sanctions financières, censées réguler le marché, révèlent paradoxalement les fragilités du système. Sébastien Michel, du Gemme, dénonce une « profitabilité négative ». Il affirme que les laboratoires génériques, qui doivent déjà faire face à un prix des génériques qui est 41% moins que dans les quatre pays européens comparateurs, sont confrontés à des sanctions pouvant atteindre 50% de leur chiffre d'affaires.
Le débat a également mis en lumière la dimension géoéconomique des pénuries. Face à ces défis, des solutions innovantes émergent. La dispensation à l'unité était abordée comme une réponse temporaire, permettant d’inciter les industriels à adapter leurs conditionnements aux besoins réels des patients.
Les enjeux sont multiples : maintenir un approvisionnement stable, garantir l'accès aux médicaments, préserver l'innovation tout en maîtrisant les coûts. Les experts appellent à une approche européenne et collaborative soulignant que la fragmentation du marché et le manque de transparence à l’échelle internationale compliquent considérablement la gestion des stocks. L’harmonisation des réglementations et une meilleure coordination entre les pays apparaissent comme des pistes prometteuses.
Cette table ronde a mis en évidence la nécessité d'une approche systémique. Les pénuries de médicaments ne sont pas un problème isolé, mais le résultat de tensions complexes entre enjeux économiques, industriels et de santé publique.
Pour les patients, l'enjeu est vital : maintenir un accès constant et sécurisé aux traitements essentiels. Pour y parvenir, une transformation profonde de l'écosystème pharmaceutique semble désormais inévitable.
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