Blog de PharmagoraPlus

01 déc. 2025

Génériques et biosimilaires : un levier stratégique pour l’avenir de notre système de santé

Génériques et biosimilaires : un levier stratégique pour l’avenir de notre système de santé

Une interview avec Michael Bismuth, Directeur Général Adjoint du GEMME (Générique Même Médicament)

 

Agnes Jacobs - Nous sommes actuellement en plein examen du projet de loi de financement de sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Pourriez-vous expliciter la philosophie générale des mesures que vous défendez ?

Michael Bismuth - La philosophie de nos propositions repose sur un principe clair : privilégier une régulation fondée sur le développement des volumes de médicaments moins chers à efficacité identique, plutôt qu’une régulation axée sur la dépréciation de la valeur. Les médicaments génériques et biosimilaires sont au cœur de cette logique : ils permettent à la sécurité sociale de réaliser plus de 2,5 milliards d’euros d’économies chaque année. Il est donc incohérent de fragiliser des produits qui contribuent autant à la soutenabilité de notre système.

Aujourd’hui, la régulation financière pénalise de manière disproportionnée les génériques, les biosimilaires et les produits matures à bas prix, alors qu’ils constituent le socle de l’efficience du système. Notre secteur est soumis à la clause de sauvegarde, une contribution initialement conçue pour les médicaments onéreux à forte croissance. Son extension aux génériques en 2019 a eu un effet destructeur : elle a fait basculer la rentabilité du secteur dans le négatif en 2023 et menace la commercialisation de centaines de références essentielles, accroissant les risques de tensions d’approvisionnement et, par conséquent, les risques sanitaires.

Plus nous développons les volumes – et donc les économies pour la sécurité sociale – plus la facture fiscale augmente, ce qui constitue un contresens économique majeur. Le PLFSS 2026 aggravera cette situation en introduisant une contribution supplémentaire sur le chiffre d’affaires brut hors taxe, créant une double taxation. Dans un secteur à prix et marges faibles, ces niveaux de prélèvements ne sont pas soutenables.

Notre philosophie s’appuie sur trois idées :

Assurer la viabilité économique des entreprises du générique, du biosimilaire ainsi que des médicaments à valeur ajoutée : sans eux, plus d’alternatives, plus d’économies. La sécurité sociale ne peut pas se préserver en affaiblissant les acteurs qui la rendent viable.

Ne pas sanctionner le développement des volumes, : plus le recours à ces produits moins onéreux à efficacité thérapeutique identique est important, plus la collectivité

économise. Or la clause de sauvegarde inverse cette logique en taxant davantage ceux qui génèrent le plus d’économies.

Permettre une politique d’économie fondée sur les volumes : pour que l’État puisse continuer à s’appuyer sur les génériques et biosimilaires, les produits doivent rester commercialement viables.

L’exonération de la clause de sauvegarde n’est donc pas un avantage sectoriel mais une condition pour continuer à générer des économies et traiter 28 millions de patients avec des produits fiables, accessibles et de proximité.

En résumé, il s’agit de sortir d’un système qui fragilise les médicaments à coût raisonnable et de revenir à une régulation cohérente : garantir le développement des produits qui génèrent des économies durables. Il est également essentiel de ne pas opposer industriels et pharmaciens : ensemble, nous générons les économies, garantissons l’accès aux soins et contribuons, au quotidien, à un maillage territorial de proximité au service des patients. L’enjeu est donc de protéger les acteurs qui protègent la sécurité sociale en excluant les produits substituables et matures de la clause de sauvegarde afin de sécuriser leur viabilité et de préserver la pérennité du modèle français.

 

Agnes Jacobs - Actuellement, la plupart des inquiétudes des pharmaciens concernent la rentabilité officinale, et la pérennité du maillage officinal. Etant donné que le pharmacien reste le professionnel de santé le plus proche des patients, que faudrait-il faire pour garantir la pérennité du réseau et préserver l’accès aux soins ?

Michael Bismuth - La préoccupation des pharmaciens est légitime : la rentabilité des officines s’érode et, dans certains territoires, le risque est la disparition du dernier acteur de santé de proximité.

Pour préserver le maillage territorial, il faut agir sur plusieurs leviers.

Il est très important de conforter la place de l’officine dans le parcours de soins, en particulier lorsqu’elle assume de nouvelles missions qu’il s’agisse des vaccinations, des tests diagnostiques ou des entretiens pharmaceutiques.

Ensuite, on ne sauvera pas les pharmacies rurales ou fragiles sans soutien ciblé. Des aides existent, mais il faut les amplifier et imaginer des solutions innovantes comme des antennes de pharmacie ou des pharma bus pour les zones les plus isolées.

Le troisième point concerne l’intégration de l’officine dans l’organisation des soins : le pharmacien doit être pleinement inscrit dans le parcours patient, en lien avec le médecin, l’hôpital et les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) grâce aux outils numériques tels que le Dossier Médical Partagé (DMP). Une officine intégrée n’est pas seulement un atout, elle devient indispensable.

Un enjeu majeur est également celui de l’attractivité : pour inciter les jeunes pharmaciens à s’installer, notamment en zones sous-médicalisées, il faut un modèle d’exercice intéressant, une formation adaptée, un soutien financier et une reconnaissance de leur rôle clinique et de leur lien avec la population.

Enfin, la dimension économique demeure centrale : une officine pérenne doit anticiper et ajuster ses choix en termes de marge, de charges ou de diversification. Il est également nécessaire de valoriser les actes professionnels (prévention, suivi thérapeutique et prise en charge) afin d’assurer la pérennité de l’officine et de réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins.

En combinant plusieurs leviers complémentaires - renforcement des missions, soutien ciblé aux officines les plus fragiles, meilleure intégration dans les parcours de soin, attractivité accrue du métier, revalorisation des actes et pilotage économique adapté - il devient possible de sécuriser durablement le maillage officinal sur tout le territoire et garantir un accès aux soins pour l’ensemble de la population.

 

Agnes Jacobs - Une des tables rondes du programme politique lors de PharmagoraPlus en 2026, est « Après les génériques, comment réussir la substitution des Biosimilaires à l’officine ? » - est-ce que vous pouvez nous donner un aperçu des grandes lignes de la perspective du GEMME sur ce sujet ?

Michael Bismuth - Pour le GEMME l’enjeu est parfaitement identifié : le développement des biosimilaires passe par l’augmentation des volumes, non par une dépréciation de leur valeur. Si l’on veut réellement accélérer leur diffusion en France, ce n’est pas en diminuant davantage les prix, mais en renforçant leur utilisation.

Ce sont des médicaments sûrs - sans perte de chance pour les patients au regard de plus de dix ans de données cliniques - efficaces et interchangeables avec les biologiques de référence. Pourtant la France reste en retard avec un taux de pénétration de 35 % en 2024, loin des 80 % observés dans plusieurs pays européens comme l’Italie.

Ce retard représente un manque à gagner important : les biosimilaires pourraient générer plus de 300 millions d’euros d’économies dès 2026/2027, du fait d’un prix déjà environ 40 % inférieur au médicament de référence.

Dans ce contexte, accentuer encore la pression sur les prix serait contre-productif : les prix français, sont déjà en moyenne 44 % plus bas que chez nos voisins (212 € contre 317 €), ce qui fragilise l’écosystème industriel et, à terme, l’approvisionnement.

Il faut trouver un équilibre entre le soutien au marché et l’encouragement de la substitution. L’officine joue un rôle décisif dans cette dynamique, dans la continuité de 20 années de substitution générique. Mais cette évolution nécessite de poursuivre le travail engagé : continuer à accompagner les patients, renforcer l’organisation logistique, sécuriser la rémunération et fluidifier le dialogue avec les prescripteurs.

Notre approche repose sur trois axes.

Le premier consiste à instaurer un cadre réglementaire simple et réellement incitatif. Certains leviers existent déjà dans les dispositions initiales du PLFSS pour 2026, que nous accueillons très positivement, comme le tiers payant contre biosimilaire : sans justification médicale, le patient qui refuse le biosimilaire ne bénéficie pas du tiers payant. Il faut également introduire la substitution le plus précocement possible, sachant qu’elle ne présente aucune perte de chance pour les patients. Tout en accélérant son déploiement et en sensibilisant davantage les patients au prix.

Le PLFSS 2026 reprend ainsi une proposition portée par le GEMME : à partir de deux ans après la commercialisation d’un biosimilaire, le bioréférent ne serait remboursé que sur la base du prix du biosimilaire lorsqu’il est choisi sans justification médicale.

Au-delà de ces leviers, nous pensons qu’il est possible d’aller plus loin pour renforcer l’usage des traitements les plus économiquement vertueux. Par exemple, l’assurance maladie pourrait attribuer à chaque médecin un budget de prescription favorisant le recours aux traitements les moins coûteux. En cas de dépassement significatif, un contrôle de la CNAM serait possible, avec demande de justification pour toute prescription hors produits substituables.

Le deuxième axe vise à renforcer l’acceptabilité des biosimilaires par les patients et les prescripteurs : rassurer, expliquer, partager des données scientifiques et rappeler les bénéfices individuels et collectifs.

Le troisième axe consiste à maintenir un modèle économique soutenable. Il faut cesser de fragiliser les acteurs qui produisent les médicaments les moins chers et exonérer les biosimilaires des taxes qui les pénalisent, car taxer ces produits revient à sanctionner les médicaments qui permettent précisément de maitriser la dépense. Les économies générées doivent être visibles et réinvesties dans l’accès au traitement, la prévention ou l’accompagnement des officines.

En résumé, les biosimilaires représentent une opportunité majeure pour la France, mais celle-ci ne sera saisie qu’en développant les volumes. L’officine a un rôle clé pour faire de la substitution biosimilaire un réflexe gagnant pour les patients, les pharmaciens et l’ensemble du système de santé.

 

Agnes Jacobs - Finalement, à votre avis, pourquoi les pharmaciens devraient-ils assister à PharmagoraPlus 2026 ?

Michael Bismuth - PharmagoraPlus, c'est le seul moment de l'année où un pharmacien peut, en deux jours, prendre de l'avance sur tous les sujets qui définiront son exercice : santé mentale, prévention du burn-out, intelligence artificielle en officine, convention, performance économique et environnementale, médicaments chers, pénuries, déserts médicaux ou encore substitution des biosimilaires. C'est l'endroit où l'on vient pour

comprendre, réfléchir et repartir mieux armer pour l'avenir Un véritable condensé d'intelligence collective, porté par des intervenants de premier plan, qui permet aux pharmaciens d'être mieux informés et mieux préparés aux évolutions de leur métier.

C'est aussi le seul moment de l'année où les pharmaciens peuvent échanger librement entre eux, dans un cadre informel et bienveillant et développer naturellement leur réseau professionnel. Le salon réunit l’ensemble du monde pharmaceutique : une occasion unique de rencontrer, en un même lieu, les acteurs du médicament, les fournisseurs et les éditeurs. On peut y poser des questions, obtenir des réponses immédiates, tester des outils, négocier comparer des solutions - une efficacité difficilement atteignable dans le rythme quotidien de l’officine

Autrement dit, PharmagoraPlus, c’est anticiper l’officine de demain, se projeter dans les transformations du métier pour mieux accompagner les patients et renforcer la résilience du système de santé. En deux jours, on gagne un temps précieux et l’on repart avec des contacts, des solutions concrètes et une bouffée d’oxygène professionnelle. C’est la force d’un lieu où la profession se retrouve échange et construit son avenir.

 

Membre du comité de pilotage de PharmagoraPlus, Michael Bismuth est Directeur Général Adjoint du GEMME (Générique Même Médicament), organisation professionnelle représentant l’industrie des médicaments génériques, biosimilaires et à valeur ajoutée. Il contribue à la mise en œuvre de la stratégie de plaidoyer du GEMME , à l’interface des politiques de santé et des enjeux industriels. Il partage également son expertise comme intervenant à l’Université Paris-Saclay et à CY Cergy Paris Université, au sein du Master « Politiques de communication, influence et affaires publiques », et a cofondé le Diplôme « Affaires Publiques et Plaidoyer » (DAPP) de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, formation continue destinée aux professionnels souhaitant se spécialiser dans la représentation d’intérêts.

View all Blog de PharmagoraPlus
Loading

Nos Partenaires

PARTENAIRES INSTITUTIONNELS


 

PARTENAIRES PEDAGOGIQUES

LES GROUPEMENTS


 

PARTENAIRES MEDIA OFFICIELS


 

PARTENAIRES MEDIA OFFICIELS


 

PARTENAIRES MEDIA


 

PARTENAIRE REMPLACEMENT


 

PARTENAIRE HEBERGEMENT


 

PARTENAIRE RADIO


 

PARTENAIRE MARKETPLACE B2B


 

SPONSOR GOLD


 

INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE


 

PARTENAIRE SONDAGE